Sous les projecteurs...

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No n’a pas volé sa nomination dans la catégorie du meilleur film étranger aux Oscars 2013. Représentant fièrement le Chili, cette reconstitution d’un des pans les plus importants de son histoire explore les dessous de la campagne promotionnelle montée par le parti du Non dans leur unique opportunité de mettre démocratiquement fin à 17 années de dictature sous la gouverne du général Augusto Pinochet. Sobre et efficace, cette réalisation de Pablo Larraín captive le spectateur et ce, jusqu’à sa conclusion, même si l’issue de ce référendum n’a de secret pour personne.

 

Prenant place en 1988, No retrace les tactiques de campagnes de promotion mises de l’avant par René Saavedra (Gael García Bernal), jeune publicitaire engagé par le parti du Non au régime de Pinochet. Appuyant d’abord le régime dictatorial en raison de ses faibles convictions politiques personnelles, Saavedra verra apparaître le véritable visage du totalitarisme lors de son parcours dans le marketing politique de l’opposition. Victime d’intimidation, forcé de travailler en secret ou de cacher son travail afin de se protéger des vols et de la censure, il apprendra peu à peu à se forger une opinion radicalement différente. Délaissant l’appât du gain, il finira par œuvrer pour ses convictions nouvelles.

 

D’emblée, c’est cette incursion dans les dessous du marketing politique qui fascine. Ce qui a fait de cette campagne une démarche si inédite, c’est surtout le ton qui a été adopté par les défendeurs des régimes démocratiques. Loin de se concentrer sur le misérabilisme de la population et les horreurs du régime totalitaire, les génies de cette démarche de propagande ont cherché à présenter l’avenir démocratique à la manière d’un produit à la mode, prônant la joie de vivre et le bonheur. No a cette qualité de présenter son contenu de manière à bien mettre en place l’ambiance d’espoir mêlée de peur de cette période. Sans jamais trop en faire, le réalisateur mise sur la simplicité avec une direction très terre-à-terre qui ne se perd pas dans les détours, utilisant très peu de musique et ayant fréquemment recours à la caméra épaule.

 

Seule fantaisie (s’il en est) : Larraín s’est permis un traitement de pellicule tout à fait original, filmant l’entièreté de sa production à l’aide de caméras U-matic, ce qui donne à ses images carrées un grain qui évoque les années 80. D’ailleurs, loin d’être seulement un caprice de réalisateur, l’utilisation de cette caméra facilite la transition avec les multiples images d’archives intégrées au film qui, de ce fait, tranchent beaucoup moins et s’intègrent parfaitement à l’ensemble.

 

La grande qualité des interprétations ne se limite pas seulement à celle, très solide, de Gael García Bernal. Moins connus à l’international que cette vedette du cinéma mexicain, les acteurs de soutien façonnent des personnages avec beaucoup de substance et une grande authenticité. Antonia Zegers, en féroce activiste et épouse de René Saavedra, joue avec beaucoup de retenue et une sincérité remarquable. Campant quant à lui le rôle du patron de Saavedra, Alfred Castro incarne avec aplomb un publicitaire perfide qui fraie avec le camp du Oui, pour qui il deviendra finalement maître de campagne.

 

No soulève des questions sur le rôle du marketing politique, et sur l’influence qu’une campagne publicitaire bien menée peut avoir sur la population. Que ce soit pour des objectifs tout à fait louables, comme l’avènement d’un régime démocratique, ou moins, comme la justification d’un régime totalitaire, le film éveille tout de même les consciences à l’efficacité de la propagande dans nos sociétés extrêmement médiatisées.  

 

Riche en émotions, ponctuée de quelques notes d’autodérision, cette cinquième réalisation de Pablo Larraín amène efficacement le spectateur là où elle veut, n’utilisant aucun superflu et ne diluant jamais son propos dans des intrigues parallèles inutiles. Avec une finale poignante mettant en scène le dépouillement des votes, No redore fièrement l’image d’une humanité unie et forte, qui sait faire changer les choses sans sauvageries ni violence, armée seulement de mots et d’images porteurs d’un idéal.

 

Ma critique est également disponible sur le site le Quatre Trois



26/03/2013
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