Sous les projecteurs...

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Critiques de films récement sortis en salles


Enemy

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De la bouche de Denis Villeneuve lui-même, Enemy n’est pas un film grand public. Il ne faut cependant pas lire ici que ce n’est pas un film intelligible ou digne d’intérêt. Il s’agit simplement d’une de ces rares œuvres qui demande au spectateur de faire un bout du chemin lui-même. Villeneuve décrit son film comme une énigme dans laquelle il a placé toutes les pièces du puzzle afin de rendre possible sa reconstitution. Je décrirais Enemy comme un sacré casse-tête qui demande un investissement du spectateur, mais qui n’oublie pas de payer en retour.

 

Posant rapidement les bases de son ambiance glauque et oppressante, Villeneuve impose dès les premières minutes le ton de son long métrage. Lent mais possédant une signature marquée, Enemy se laisse désirer avant d’entrer dans le vif du sujet. C’est justement cette lenteur qui va créer tout l’effet sur lequel repose le film, et qui va, par la même occasion, donner son intensité à l’intrigue et aux revirements de situations.

 

L’histoire est d’ailleurs excessivement intrigante. On nous donne des morceaux narratifs sans nous montrer les ficelles qui les relient, le spectateur ayant à trouver lui-même la solution à la question que nous pose le réalisateur. Sans trop en révéler, disons simplement que la trame narrative repose sur la découverte de son sosie par un banal professeur d’histoire. Les deux hommes en viennent rapidement à entrer en contact, mais tout se trouble lorsque leurs vies respectives commencent à se mélanger. Nul besoin de dire que le spectateur a intérêt à suivre avec attention s’il veut tenter de démêler nœud de cette histoire singulière.

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’idéal pour le spectateur est d’en savoir le moins possible sur le film avant de le visionner, histoire de vivre l’expérience tel qu’il se doit. Moins on en sait, plus on le savoure. Si la trame narrative peut semble opaque à certain, la réalisation soignée de Villeneuve vaut à elle seule le détour. Musique grinçante, images saturées d’ocre suffoquant, montage méticuleusement calculé, Enemy présente une ambiance unique mémorable. L’apparence statique de l’ensemble incite le spectateur à s’investir pour trouver le sens à ce qu’on lui présente.

 

Au centre de cette réalisation, un acteur qui dévoile une large palette de son talent. Avec deux rôles principaux au tempérament diamétralement opposé, Jake Gyllenhaal joue sur deux tableaux à la fois. Travaillant dans la nuance et la subtilité, il impose efficacement un caractère distinct à ses deux personnages. Adam, le professeur d’histoire, est timide et introverti, alors qu’Anthony, l’acteur, est irrévérencieux et sûr de lui. Changement subtil de posture, variation dans le regard, en un clin d’œil, Gyllenhaal nous fait comprendre quel personnage est scène, facilitant la lecture de ce film complexe.

 

Malheureusement, ce qui peut sembler comme une idée de génie pour certains pourrait n’avoir aucun intérêt pour d’autres. Ainsi, dans la plus grande force d’Enemy résidera aussi sa plus grande faiblesse, une grande partie du public pouvant être rebuté par l’impression d’opacité que peut dégager le film. Aussi, la lenteur du rythme, qui sert admirablement bien le style du film, peut pousser certains à simplement décrocher.

 

Certainement unique dans l’univers cinématographique des dernières années, Enemy est une œuvre qu’on prend plaisir à réécouter et à décortiquer. Fascinant pour les discussions qu’il provoquera, ce film gagne assurément à mûrir quelques jours en soi, histoire qu’on s’assure de relier tous les points ensemble. Malgré sa courte durée, c’est un film qui colle à l’esprit, avec son magnétisme étrange qui nous fait repasser ses séquences longtemps après la fin du générique final. Il faut le dire, ça fait du bien de voir un réalisateur qui a foi en l’intelligence de son public.

 

 


22/03/2014
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Pompeii

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Qu’on se le dise tout net, ce début d’année cinématographique n’a pas été des plus impressionnant. Pour ma part, excepté les excellents Her et August : Osage County, mes dernières sorties cinéma ont toutes frôlé l’exécrable. Et la sirupeuse version de Pompeii du réalisateur Paul W.S. Anderson, le créateur de la série des Resident Evil et du dernier The Three Musketers, n’est pas là pour arranger les choses. Complètement ridicule, cette méga production s’enterre sous une pile de clichés aussi grosse que le Vésuve lui-même.

 

Presque entièrement constitué de maladresses, ce film d’époque entortille une intrigue faussement excitante avec en son cœur un héros aussi silencieux que fade qui s’éprend d’une jeune femme dont il ne sait strictement rien, tout comme nous d’ailleurs. Milo (Kit Harrington), puisque c’est le nom du dit héros, est un esclave gladiateur indestructible se passionnant disons intensément pour les chevaux, qui cherche à tout prix à venger sa famille, abattue devant ses yeux par le très méchant sénateur romain Corvus (Kiefer Sutherland). Évidemment, il croise le chemin de son ennemi en même temps que celui de la femme de sa vie, une jeune, jolie et riche romaine dont on ne se souvient même plus du nom (Emily Browning), malheureusement aussi dans la mire du méchant sénateur.

 

Mais comment cette jeune femme peut-elle tomber amoureuse d’un pauvre petit gladiateur condamné à une vie de misère ? Mais grâce à leur passion pour les chevaux, bien sûr ! Eh oui, c’est lors d’une chevauchée volée, ensemble sur la même bête affolée, que ces deux jeunes gens tomberont éperdument amoureux l’un de l’autre, au point de tout sacrifier pour être ensemble. Et le Vésuve, dans tout ça ? Disons simplement qu’il entre en scène au moment opportun pour foutre la vraie pagaille dans tout ce cafouillis.

 

Grâce à un scénario aussi mauvais que la réalisation, Pompeii réussit à être tellement ridicule qu’il en devient quasi excellent. En fait, les clichés s’empilent à une vitesse telle qu’on a peine à croire que le film a été fait sans une once d’autodérision. Ainsi, en à peine plus d’une heure trente, on a droit à une quantité incalculable de ralentis, incluant une paire de faux seins avec une fille au bout qui tombe dans un gouffre sans fond, quelques pick up lines aussi absurdes que les personnages qui les servent, d’incalculables revirements de situation aberrants et j’en passe. Et tout cela monté avec beaucoup de faux raccords et bien peu de contenu.

 

À un certain moment, on croirait écouter un film de série B qui aurait joui d’une distribution étonnamment crédible pour son statut. Rapidement, on en vient d’ailleurs à se demander ce que des acteurs de la trempe de Kiefer Sutherland, Jared Harris et Carrie-Anne Moss viennent faire dans un film pareil. À leurs côtés, Kit Harington et sa sempiternelle moue de dépit a beau arborer tout un attirail d’abdos surréalistes en relief 3D, il n’arrive pas à ajouter une once de substance à cet ensemble bien désolant. D’autant plus que le couple central que forment Milo et sa Juliette a la même profondeur que le soporifique duo vedette de la série des Twilight.

 

Essentiellement construit autour d’un amour démesuré pour l’équitation, Pompéii s’enfarge, patine, s’écrase. Visuellement, les écrans verts sont omniprésents et l’allure synthétique de l’ensemble n’est pas sans rappeler les films du genre Immortals ou 300, bien que ce ne soit pas le but de la réalisation. Dommage de voir encore une fois un film avec une idée originale rater aussi clairement son coup. En effet, rarement aura-t-on vu le thème de la catastrophe naturelle abordé du point de vue historique.

 

Finalement, je dois préciser que le .5 que j’ai ajouté à ma note initiale de 1 sur 5, Pompeii le doit à l’indéniable plaisir que j’ai eu à visionner ce navet qui réussi, à chacune de ses péripéties, à nous servir plus de risible qu’il n’est possible d’en digérer. On finit donc par écouter ce douteux récit d’aventures le sourire fendu jusqu’aux oreilles, n’en croyant pas ses yeux devant tant de clichés. Mais de grâce, mesdames, si vous voulez absolument vous rincer l’œil devant Kit Harington et son abondante chevelure bouclée, faites donc simplement rejouer la dernière saison de Game of Thrones. Ça ne vaut vraiment pas la peine de se déranger pour un échec pareil.


24/02/2014
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The Hobbit: The Desolation of Smaug

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Le second film du Hobbit s’ouvre sur le désormais traditionnel caméo du réalisateur Peter Jackson. Et c’est tout à fait à l’image de cet interminable opus : une longue succession de références et de clins d’œil soulignés à gros traits qui éclipsent presque totalement l’histoire originale.  

 

Ce qu’il y avait de risible dans le premier volet est devenu, dans le deuxième, carrément exaspérant. Avec la subtilité d’un éléphant dans une boutique de porcelaine, Jackson réussit à rassembler un nombre incalculable de clichés qui sont malheureusement devenus désormais sa marque de commerce, dépassant systématiquement la limite du bon goût. L’histoire originale du Hobbit, diluée au maximum, se reconstruit autour d’une succession de péripéties rodées au quart de tour qui sont toute un prétexte pour pousser le bouchon trop loin. 

 

On retrouve donc un Thorin (Richard Armitage) qui lance chacune de ses répliques avec trop de sérieux, à chaque fois montré cheveux aux vents peu importe les circonstances alors qu’il semble être le seul à profiter de ces inexplicables courants d’air localisés. The Hobbit nous fait également sourciller devant l’abus d’invincibilité de Legolas (Orlando Bloom), qui est utilisée à toutes les sauces. Tauriel (Evangeline Lilly), ce personnage si controversé auprès des purs et dur, nous apparaît tel qu’attendu dans son halo de lumière (oui, exactement comme l’avait fait Arwen quelque dix ans auparavant, et l’effet est tout aussi raté cette fois-ci). Ce n’est d’ailleurs pas l’ajout du personnage de Tauriel qui dérange le plus, mais plutôt le fait que l’histoire originale de Tolkien est aussi difficile à retrouver que l’Arkenstone au cœur de la montagne des richesses de Smaug.

 

Plus que kitch, l’univers de The Hobbit n’est même pas cohérent avec ses propres règles. Si les scénaristes de ce second film avaient seulement pris la peine de relire les romans, ils se seraient vite souvenus que les elfes ne ressentent ni la fatigue ni l’ivresse. En fait, ils ne dorment tout simplement pas. Permettez-nous donc de lever les yeux au ciel alors qu’on nous montre des elfes de la forêt noire roupillant complètement saouls, permettant l’évasion de leurs captifs de nains*. Idem alors qu’on nous propose une improbable idylle entre un nain et une elfe. Des détails, vous me direz ? Mais ce sont les détails qui ont forgé l’univers si complexe de ce pilier de la littérature fantastique !

 

C’est d’ailleurs regrettable, car une fois de plus, Jackson, en navigant dans une réalisation chaotique et inégale, réussit à nous offrir une excellente scène avec ce personnage qui devrait normalement être au centre de son histoire, Bilbo. Alors que la rencontre du hobbit avec Gollum était certainement une pièce d’anthologie lors du premier film, le jeu de cache-cache du semi-homme avec le dragon Smaug (Benedict Cumberbatch) est tout aussi savoureux. Excellent sous les traits de ce jeune hobbit aventureux malgré lui, Martin Freeman souffre malheureusement de son manque de présence à l’écran. Même s’il est très bien campé, le héros ne réussit pas à se démarquer des mille et un personnages secondaires qu’on nous balance par la tête pendant près de trois heures.

 

Pas tous sans intérêts, les multiples nouveaux venus comptent dans leurs rangs des protagonistes qu’on avait hâte de voir apparaître, Bard (Luke Evans) notamment, mais qui se perdent dans cet amalgame de filons d’intrigues qui partent dans tous les sens. On a parfois l’impression que le réalisateur connaît tellement l’univers de Tolkien et qu’il s’y plait tant qu’il a décidé d’en faire ce qu’il veut, simplement pour son bon plaisir (et à notre grand mécontentement).

 

C’est inévitable, The Hobbit fera d’énormes recettes au box-office. C’est justement ce qui est regrettable, car les studios y voient la preuve qu’ils peuvent s’emparer d’une œuvre classique et en faire absolument n’importe quoi tout en parvenant tout de même à y gagner leurs gains. De plus, à chercher à tout prix à faire le pont avec la trilogie du Seigneur des Anneaux, on étire tellement la sauce qu’on ne s’y retrouve plus ni dans l’histoire, ni dans les personnages, ni dans les lieux… Malgré lui, Peter Jackson est peu à peu en train de confirmer qu’il fera probablement un frère Wachowski de lui-même, avec une seule réussite en carrière et de pâles caricatures gravitant tout autour.

 

 

*Erratum: Devant la levée de boucliers des puristes qui se sont empressés de me citer les passages du roman de "Bilbo le hobbit" où les elfes gardiens de la forêt noire s'endorment effectivement d'ivresse, je dois indiquer de Jackson et son équipe ont respectés l’œuvre originale concernant ce détail et que c'est mon erreur de l'avoir oublié.

Cependant, j'ajouterai ceci:

Jackson faisant visiblement de cette trilogie du Hobbit une série de films servant à appuyer sa trilogie "maîtresse" le Seigneur des Anneaux, il aurait été tout naturel qu'il suive la même ligne directrice concernant ces détails (qui ne sont, soit dit en passant, pas non plus conformes  à l'univers du Seigneur des Anneaux où Legolas part prendre se promener pour méditer et se reposer au lieu de dormir comme le font les autres). Et puisque Peter Jackson n'a pas hésité à venir redéfinir une énorme portion de l'histoire originale de "Bilbo le hobbit", je ne vois vraiment pas pourquoi il ne s'en est pas donné la liberté dans ce passage précis, là où justement c'était justifié de le faire.


19/12/2013
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The Hunger Games: Catching Fire

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Dans le rayon des multiples adaptations de saga adolescentes portées au grand écran, rarement aura-t-on vu un film aussi fidèle à l’œuvre originale. Dans plusieurs de ces cas de transpositions, l’adaptation souffre des lacunes de son nouveau médium, perdant en complexité, égarant souvent au passage la majorité des détails. On ne peut pas dire que c’est le cas pour le second opus de Hunger Games, Catching Fire. Le second tome de la série vit plus que très bien sa transposition au 7e art, en fait il y gagne même au change puisque l’intérêt du texte original ne réside pas dans qualité de la plume de l’auteur, mais essentiellement dans l’univers et les personnages présentés.

 

Nouveau venu à la barre, le réalisateur Francis Lawrence (I Am Legend, Water for Elephants) s’assure d’une transition toute en douceur d’avec l’introduction signée par Gary Ross. Rassurez-vous, donc, rien à voir avec les changements à 180 degrés que faisaient subir chaque réalisateur à son épisode personnel d’Harry Potter, où aucun des films ne s’accordait au précédent. On garde donc le même ton, la même approche, et un rythme semblable de narration est imposé.

 

Tout comme dans le second bouquin, l’histoire se met en place tranquillement, installant sa transition vers ce qui mènera à la révolte des districts. On retrouve donc Katniss (Jennifer Lawrence) et Peeta (Josh Hutcherson) au lendemain de leur victoire controversée des 74e Hunger Games. Faisant fi des règles du Capitole, l’État dirigeant, les deux jeunes ont refusé de s’entretuer dans l’arène des jeux de la faim, et c’est donc ensemble qu’ils entreprennent la tournée des vainqueurs dans les 12 districts.

 

Malheureusement pour le président Snow (excellent Donald Sutherland), la victoire de Katniss est interprétée par le peuple comme un acte de rébellion envers l’oppressant Capitole, et l’ambiance de révolte initiée par la tournée des vainqueurs mènera les districts au bord du soulèvement populaire. Ce grave problème amènera une solution extrême. Le président, pour étouffer l’espoir du peuple, exterminera les symboles de cette révolte. C’est donc dans l’arène que se jouera l’avenir de ces vainqueurs du système, sous le regard et la direction du nouveau maître de cette édition d’expiation des Hunger Games, Plutarch Heavensbee (Philip Seymour Hoffman).

 

Les jeux, dans ce second film, ne sont donc pas au centre de l’histoire. Ils sont plutôt un moyen de déclencher la révolution pour les tributs, et un moyen de garder le contrôle sur les figures populaires qu’il a créées pour le Capitole. Moins violent que son prédécesseur, Catching Fire s’attarde de manière plus intime sur le personnage central de Katniss. En plein choc post-traumatique, on voit se développer sa relation amour/dépendance avec Gale (Liam Hemsworth, le frère de l’autre) et sa relation de compréhension et de complicité avec Peeta. Oui, c’est certain que, puisque nous sommes dans un film pour adolescent/jeune adulte, le triangle amoureux est visité sous plusieurs coutures. Non, on ne passe pas à côté, et oui ça donne lieu à quelques scènes pas tout à fait excellentes, parfois fades et vides. Ça y est, c’est dit.

 

Mais malgré cette tension de triangle amoureux pas toujours intéressant, Catching Fire réussi à pousser encore plus loin la qualité de sa brochette d’acteurs, qui n’était déjà pas à plaindre dans le premier film. Encore plus cette fois-ci, les acteurs captent tout à fait l’essence des personnages pour les porter à l’écran avec plus de complexité et de nuance qu’auparavant. Jennifer Lawrence reprend en Katniss un rôle qui semble avoir été taillé sur mesure pour elle. La jeune actrice, désormais oscarisée, incarne la parfaite héroïne emportée, excessive, passionnée et complètement décalée par rapport au monde d’effervescence du Capitole dans lequel elle est plongée malgré elle.

 

Outre les intrigants et solides Seymour Hoffman et Sutherland, c’est Elizabeth Banks qui a, jusqu’ici, sa première occasion d’ajouter une couche de personnalité à sa Effie Trinket noyée de fards aux couleurs criardes. De même, plusieurs des nouveaux personnages piquent l’intérêt et réussissent à prendre naturellement leur place à l’écran, tels que la Johanna de Jena Malone, le Beetee de Jeffrey Wright ou le flamboyant Finnick de Sam Claflin. Malgré tout, plusieurs de ces personnages secondaires ne sont pas assez creusés, et demeurent bien superficiels. En espérant que les scénaristes saisissent l’occasion des deux prochains films pour mieux les exploiter.

 

Catching Fire n’est pas parfait, mais on pardonne vite à une adaptation pour adolescent qui sort enfin du carcan de la jeune fille passive amouraché d’un idéal physique. Porté par une ambition de liberté et de rébellion, c’est au centre d’un personnage féminin indépendant que la série s’articule pour finalement aboutir sur des enjeux qui dépassent l’habituel nombrilisme à la Twilight des films pour ados.

 

 


26/11/2013
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12 Years a Slave

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12 Years a Slave

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Ce n’est pas facile d’écrire sur un film comme 12 Years a Slave. Pas seulement parce que c’est un excellent film (et là-dessus il est dur à battre), mais surtout parce que ce n’est pas simple de mettre des mots sur les émotions que le film suscite en nous, de s’exprimer sur ces images qui reviennent sans cesse en tête après la projection. Non seulement le sujet est-il profondément choquant, mais Steve McQueen signe en cette troisième réalisation une œuvre minutieusement exécutée, implacablement efficace.

 

McQueen n’en est qu’à ses débuts dans sa carrière de réalisateur de longs métrages et déjà, il arrive à marquer ses créations de son style personnel qu’il ne cesse de fignoler depuis Hunger. Encore une fois, il nous plonge dans un cinéma-vérité qui nous propulse dans une réalité dure, par moment insoutenable, mais profondément marquante.

 

Avec une mesure extraordinaire et une retenue déconcertante, 12 Years a Slave s’intéresse à l’histoire sordide de Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), un Afro-Américain né libre dans l’état de New York en 1808.  Musicien faussement embauché par une troupe d’artistes, il sera drogué, battu puis vendu comme esclave en Louisiane où il restera captif à l’insu de sa famille pendant douze ans. C’est là que, trimbalé de propriétaire en propriétaire, il sera confronté à la limite de sa propre humanité, entraîné vers la bestialité que son instinct de survie lui commandera.

 

12 Years a Slave se tient bien loin du style cavalier et burlesque du Django Unchained de Tarantino. Est-il nécessaire de spécifier que, n’ayant pas été séduite par le produit à la limite du bon goût de Tarantino, j’ai été soulagée de voir ce que McQueen avait réussi à faire d’un sujet aussi riche. Le réalisateur ne se contente pas de montrer la réalité quotidienne des esclaves, il nous la fait vivre. C’est donc parfois au bord de l’écoeurement qu’on découvre la laideur de la bassesse humaine. Plus que du racisme, on constate la quasi-absence de solidarité qu’emmène la pulsion de survie des esclaves. Seuls les plus forts survivent, et aucun d’entre eux ne tente de trainer avec eux les plus faibles de peur de s’en empêtrer.

 

 

 

L’approche visuelle est sobre, à la limite du dépouillement. Cette retenue dans la réalisation permet au film de passer à côté du piège du voyeurisme qu’on pourrait ressentir à la découverte d’un milieu comme celui-ci, pour ne jamais laisser le message se vautrer dans un esthétisme douteux. Les plans sont tour à tour fixes et insistants, agités et étourdissants. Certaines des images montrées sont si fortes qu’elles restent en tête longtemps après la fin du film, comme c’est notamment le cas pour la scène de pendaison montrée en plan fixe du début à la fin. McQueen se permet de laisser parler ses images. Il ne surcharge jamais l’esthétisme de 12 Years a Slave de fioriture qui saperait la force tranquille et implacable du film.

 

Relativement peu vu dans des premiers rôles à l’écran, c’est le Britannique Chiwetel Ejiofor qui tient le film sur ses épaules. Solide du début à la fin, le jeu d’Ejiofor est nuancé, puissant, et figure certainement dans les performances masculines les plus marquantes de 2013. La transformation du personnage se vit au fur et à mesure de la progression du film, et c’est avec fascination, parfois horreur que nous sommes témoin des cicatrices que laissent une déshumanisation telle que l’esclavage sur les hommes, même ceux aussi instruits que Solomon Northup.

 

Impossible de passer sous silence le talent de Lupita Nyong'o qui interprète avec beaucoup d’intensité une esclave souffre-douleur dans la plantation de coton d’ Edwin Epps, Epps justement campé par un Michael Fassbender déchaîné, frénétique et violent qu’on arrive rapidement à détester. La seule chose qui agace dans les interprétations de 12 Years a Slave n’est pas le jeux des acteurs, mais plutôt le jeux d’accents. Ainsi, Benedict Cumberbatch et Michael Fassbender, européens, proposent un accent sudiste plutôt étrange, et Brad Pitt, lui-même américain, incarne au Canadien beaucoup trop parfaitement assimilé à l’accent louisianais qui n’est pas sans rappeler le parler d’Aldo Raine d’Inglourious Basterds.

 

Tantôt insistante, tantôt grinçante, la musique en est pour beaucoup dans la sensation d’oppression que provoque 12 Years a Slave. Parfaitement synchronisée avec un montage judicieusement manié, c’est surtout lors de l’introduction que les notes d’Hans Zimmer prennent toute leur importance. Mais bien qu’elle soit judicieusement choisie, la musique sait se taire dans les moments clés, laissant toute la place aux interprétations senties des acteurs.

 

12 Years a Slave n’est pas un film qui plaira à tout le monde. Peut-être trop brut pour rallier une très large audience, il reste cependant le plus accessible des films de Steve McQueen. Assurément dérangeantes, la dégradation et la violence montrée ne s’exhibent jamais en spectacle. De plus en plus rarement a-t-on affaire à de grosses productions telles que celle-ci, qui se permet de prendre son temps sans ne jamais devenir statique. Même si certains le trouveront trop construit pour les remises de prix et les tapis rouges, 12 Years a Slave reste un des films les plus aboutis de 2013, indéniablement.

 

 


16/11/2013
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The Counselor

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 The Counselor

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The Counselor a provoqué chez moi ce que j’appelle un ascenseur émotif. Très enthousiasmée au départ, mon intérêt a rapidement cédé la place à la déception, puis je me suis abîmée dans l’inertie de l’ennui. C’est qu’à la base, ce film avait tout pour lui : réalisé par Ridley Scott, écrit par Cormac McCarthy (No Country for Old Men, The Road), une distribution d’acteurs pour le moins impressionnante et une histoire au potentiel indéniable. Mais mystérieusement, rien ne colle et le film paraît s’étirer sur des décennies vers une finale qu’on a vue venir dès les pions mis en place.

 

Menant sa vie à un rythme luxueux effréné, un avocat (Michael Fassbender) se mêle aux jeux de contrebande d’un de ses amis (Javier Bardem) afin de se libérer des dettes faramineuses qu’il a accumulées. L’avocat (AKA le conseiller puisque le personnage de Fassbender ne porte visiblement aucun autre nom) se joint donc à une opération d’export de dope vers les États-Unis en s’associant à un cartel mexicain des plus brutaux. Vigoureusement mis en garde de cette association par un complice (Brad Pitt), le conseiller se voit finalement embourbé dans un coup foireux qui les entraînera, lui et sa femme (Penélope Cruz) dans un gros bordel où les problèmes se règlent d’une balle dans la tête.

 

Évidemment, tout cela serait bien beau si seulement on se préoccupait le moindrement de l’histoire dans le script. Parce qu’on a réellement l’impression que les personnages, qui sont en train de participer à un énorme coup de contrebande par l’entremise d’hommes de main excessivement dangereux, ne font finalement que discuter de cul et se préoccuper de ce qu’ils ont entre les jambes.

 

La majorité des scènes entre Bardem et Fassbender sont aussi inutiles que scabreuses, et c’est sans mentionner le personnage de Cameron Diaz qui, de prime abord, ne semble pas faire autre chose que de chercher à choquer tout ceux qu’elle rencontre. Cette ébauche d’intrigue, d’ailleurs, paraît mettre une éternité à se mettre en branle. Mais lorsqu’on est finalement convaincu être arrivé au moment où tout s’enclenche, où le récit prend sont envol, on s’aperçoit qu’on s’est finalement fourvoyé et que le film prend un autre virage vers d’inutiles et ennuyantes scènes superflues.

 

Comment employer des acteurs aussi unanimement reconnus comme talentueux et les rendre aussi fades et insipides ? Ridley Scott s’est ainsi entouré d’une brochette d’acteurs plus qu’impressionnante dont presque chacun a remporté des prix d’interprétation, notamment des oscars pour Cruz et Bardem, pour les rendre aussi quelconques que la distribution des Scary Movie.

 

Oui, on a réuni beaucoup de talent, mais aucun de ces interprètes n’offre une réelle performance. On veut bien croire à l’intensité habituelle de Fassbender, mais avec un scénario aussi mince qui part dans tous les sens, on a bien du mal à sympathiser le moins du monde, voire même à rester un minimum intéressé par le drame qu’on nous présente. Pour ses quelques apparitions, Pitt semble jouer sur le pilote automatique alors que Bardem est ridiculement caricatural. Reste Cruz, peu présente à l’écran, et Diaz, qui offre un personnage excessivement unidimensionnel, sans profondeur et sans intérêt.

 

Il n’y à pas grand-chose auquel se raccrocher dans The Counselor pour arriver à l’apprécier un tant soit peu. Trop violent, le scénario ne cesse de s’égarer en ne manquant pas de nous offrir quelques images dégoûtantes en cours de route. Offerte au terme de près de deux interminables heures de visionnement, la finale prévisible est tout sauf digne d’intérêt, et ouvre la conclusion vers une continuation qui laisse de marbre.

 

Ma critique est également disponible sur le site le Quatre Trois


04/11/2013
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Dead Man Talking

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 Dead Man Talking

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Sur le site de Cinoche, Dead Man Talking est classé comme étant à la fois une comédie et un drame. Et c’est exactement ça. À la fois un drame mauvais à en rire et une comédie médiocre à en pleurer. L’histoire, pourtant, aurait pu être captivante : un homme dans le couloir de la mort profite d’un vide juridique pour que ses dernières paroles lui permettent de retarder sa mise à mort, étirant la durée de son discours jusqu’à la limite du temps admis pour l’exécution. À chaque soir pendant un mois, le manège recommence jusqu’à la date d’une élection fatidique qui permettra aux dirigeants de modifier la loi en place et arrêter cette mascarade.

 

Porté à bout de bras par l’acteur belge Patrick Ridremont, Dead Man Talking est aussi sa réalisation et son scénario. Sa première réalisation, faut-il le préciser. Il faut dire aussi que Ridremont a surtout débuté sa carrière dans la comédie, ce qui pourrait expliquer ce mélange douteux de styles, bien que rien n’excuse qu’on ait voulu traiter un sujet aussi sérieux avec un scénario aussi grotesque. En ce qui me concerne, le mystère plane toujours pour comprendre ce qui est passé par la tête des spectateurs des trois festivals où le film a remporté le prix du public.

 

Incapable de trouver son ton, le film navigue donc constamment entre l’épouvantable comédie (du niveau d’Astérix aux Jeux olympiques) et le film à propos. Certains acteurs n’entendent pas du tout à rire (Patrick Ridremont, le condamné à mort, et François Berléand, le « bourreau ») alors que tous les autres ne cessent de cabotiner avec leurs airs grotesques. En fait, l’écart est si frappant qu’on en vient à se demander si les deux moitiés de la distribution jouent dans le même film. Et toutes ces mauvaises blagues et ces accents démesurés de caricatures jurent horriblement d’avec le propos glauque du film (Patrick Ridremont lui-même ne semble trouver drôle personne).

 

Ce qui est le plus étrange, dans Dead Man Talking, c’est que Ridremont semble avoir tenté de construire un personnage qui a réellement quelque chose à nous dire, qui veut dénoncer, nous passer un message. Mais alors pourquoi ce réalisateur s’est-il investi dans deux routes divergentes ? L’esthétique glauque ne colle à rien et les actions ultraviolentes du condamné rendent mal à l’aise, tranchent d’avec l’atmosphère bon enfant pour finir par avoir l’air totalement inapproprié.

 

On nous sert aussi profusion de symboles tous moins subtils les uns que les autres. Dead Man Talking nous propose moult parallèles bibliques en cet homme sur sa croix qui parle à ses fidèles, et avec ses références à deux sous aux anges et à Jésus. Tant de références simplistes et rudimentaires rendent le tout littéralement indigeste.

 

S’enlisant dans une mare de clichés, utilisant de ridicules métaphores, tout dans Dead Man Talking joue trop gros, y compris la majorité des acteurs. Il est pourtant étonnant de constater que Ridremont arrive tout de même à livrer la marchandise en tant qu’interprète, même s’il se plante royalement dans sa réalisation. Mais qui aurait pu croire qu’un acteur sérieux désire s’investir autant à un cirque pareil où rien n’est mémorable à part notre ennui mortel?

 

Ma critique est également disponible sur le site le Quatre Trois


04/11/2013
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Gravity

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 Gravity

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Visuellement, vous n’avez jamais rien vu de tel. Sans aucun doute, Gravity créera un précédent dans le domaine des effets visuels, mais plus qu’un amalgame d’effets spéciaux, c’est un film époustouflant, angoissant, mémorable. Parfaitement maîtrisée, la réalisation d’Alfonso Cuarón explore de manière inédite le style du thriller, utilisant judicieusement toutes les avancées technologiques qui s’offrent à lui.

 

Dans le plus grand dépouillement, Gravity s’amorce sur un incroyable plan-séquence qui s’étire sur de longues minutes, ne cessant que lorsque l’intrigue s’enclenche réellement. L’histoire est simple et anxiogène à souhait : à la suite de gaves complications lors d’une mission dans l’espace, une ingénieure (Sandra Bullock) et un astronaute (Georges Clooney) tentent de retourner sur Terre par leurs propres moyens. S’amorcera alors une course contre la montre (et la mort) pour parvenir à surmonter chacun des obstacles que représente cette ultime pulsion vers la vie, cette tentative de retour sur Terre qui s’effectuera à n’importe quel prix.

 

Si vous lisez parfois fois mes critiques, vous aurez sans doute remarqué que j’exècre toute forme « d’extras » de plus en plus souvent ajoutés aux films. Par « extras », j’entends ces babioles quasiment toujours inutiles comme le 3D, les D-Box, etc. Cependant, je dois me raviser concernant Gravity. Tourné vers l’avenir, ce type de film justifie l’utilisation de la technologie 3D, d’une image et d’un son les plus performants possible. Les images sont si belles qu’on ne veut rien en manquer, qu’on veut les voir avec la meilleure résolution possible sans aucune nostalgie du 35mm.
 

Envahissante, l’ambiance angoissante est efficacement rehaussée par la trame sonore imposante, judicieusement choisie pour faire grimper la tension. Troublantes de réalisme, les images jouissent d’une photographie exceptionnelle. Littéralement étourdissantes, elles sont constamment montrées de points de vue différents, ce qui aide à dynamiser ce thriller qui ne comporte que peu de décors différents.

 

Plus que simplement composé de belles images, Gravity repose aussi en grande partie sur la prestation de son interprète principale, Sandra Bullock, qui éclipse presque complètement un Georges Clooney unidimensionnel. Solide, elle arrive à faire passer le récit à plusieurs niveaux psychologiques en amenant énergie, torpeur, spiritualité et ferveur. Avec ce rôle très physique mais marqué de nuances, Bullock fait une fois de plus sa place parmi les grandes interprètes féminines américaines (dont les preuves ne seraient plus à faire si seulement elle pouvait arrêter de jouer dans des navets comme The Heat).

 

Force d’une esthétique inégalée et d’une réalisation brillante, Gravity est plus qu’un incontournable cette année. Bien évidemment, on aime ce film si on accepte l’incongruité du scénario, qui n’est nullement conçu en fonction d’un réalisme documentaire. Certainement de minutieuses recherches ont dû être menées afin de recréer le plus fidèlement possible les stations spatiales visitées lors du film, mais rien dans les péripéties ne tentent de nous confondre de vraisemblable. Mais là n’était sans doute pas le but. Avec tel un coup de maître, c’est avec impatience que nous attendrons la prochaine réalisation d’Alfonso Cuarón qui a de bien loin dépassé le niveau de ses Y tu mamá también et Children of Men.


08/10/2013
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Parkland

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Parkland

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Nerveux, captivant, intense, le premier film du réalisateur et scénariste Peter Landesman nous tient sur le bout de notre siège de son départ sur les chapeaux de roues jusqu’à sa touchante conclusion. L’histoire de Parkland, nous la connaissons tous. Le 22 novembre 1963, le plus jeune président de l’histoire des États-Unis est assassiné d’une balle dans la tête lors d’une parade dans les rues de Dallas. Le tueur présumé, Lee Harvey Oswald, sera abattu à peine deux jours après son arrestation alors qu’il était escorté par la police lors d’un transfert de prison. 

 

S’attardant non seulement à l’assassinat du président, Parkland s’intéresse aussi surtout aux dommages collatéraux qu’aura entraîné cet attentat, notamment sur la déroute qui s’en est suivie dans les services secrets américains et les impacts sur la famille Oswald, en particulier le frère du présumé tireur (touchant James Badge Dale). On traite aussi beaucoup du vidéaste amateur qui aura capté l’attentat sur pellicule (méconnaissable Paul Giamatti) qui sera entraîné malgré lui dans la tourmente de l’événement et qui en restera traumatisé toute sa vie. Cependant, le véritable personnage principal du film reste sans conteste l’événement en lui-même, tous les personnages gravitant autour ne servant finalement qu’à le décortiquer et à en analyser chaque parcelle.

 

Parkland réunit plusieurs scènes très fortes qui nous clouent littéralement sur notre siège. L’arrivée précipitée du président à l’hôpital Parkland donne lieu à une longue et époustouflante scène de traumatologie où on tente désespérément de sauver le président, quitte à le charcuter coûte que coûte et à transformer la salle médicale en véritable boucherie. Colin Hanks, Marcia Gay Harden et Zac Efron (qui arrive pour une fois à se détacher de son image d’acteur de comédie romantique) forment le trio par lequel la magie opère. Les enterrements simultanés de JFK et d’Oswald frappent aussi par cette mise en évidence du misérabilisme de la famille de l’assassin, tout comme la détresse qui habite le frère du présumé tueur laissé comme un paria sans aucune ressource.

 

Utilisant beaucoup la caméra épaule, préconisant un montage nerveux et des cadrages serrés, Landesman immerge l’auditoire dans une série d’évènements qui s’enchaînent à un rythme effarant. Beaucoup d’images d’archives sont également ajoutées à l’ensemble, qui renforce le côté histoire de l’histoire, ramenant à chaque fois le spectateur face à l’authenticité de ce qu’on lui présente.

 

Traité avec beaucoup de pudeur, ce sujet moult fois visité permet au réalisateur de suggérer plus que de montrer aux spectateurs certains éléments clés de l’histoire. On ne voit donc que très peu le visage de la célèbre Jacky Kennedy, et pratiquement jamais celui du président lui-même. De même, la mort de JFK n’est jamais montrée directement à l’écran, la célèbre vidéo étant exhibée aux spectateurs par l’entremise des réactions des protagonistes.

 

Amalgame réussi d’histoires entrecroisées, Parkland expose une réalité qui ne saute pas aux yeux du public lorsqu’il est confronté à un drame d’une envergure pareille. Témoin de l’opération d’improvisation colossale et insoupçonnée qu’on dû effectuer les services secrets et les forces de l’ordre (par exemple comment fait-on pour entrer un cercueil dans l’avion présidentiel alors que chaque pouce carré du sol est occupé par un siège), le film réussi à renouveler ce sujet maintes fois vu en l’explorant d’un angle nouveau et pertinent. Chacun en leur temps, les acteurs donnent tous une solide performance, plus particulièrement Billy Bob Thornton en vieil agent des services secrets qui tente de mettre la main sur la vidéo de l’attentat. Connaissant l’attachement patriotique des Américains envers le président JFK, et leur fascination pour leur propre histoire, gageons que ce film a déjà gagné son billet pour les prochains oscars.

 

 Ma critique est également disponible sur le site le Quatre Trois


06/10/2013
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Gabrielle

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 Gabrielle

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Une belle visibilité aura été offerte à de nombreux films québécois cet automne, à commencer par Vic + Flo ont vu un ours (dont mon collègue Maxime Labrecque a fait une critique élogieuse et qui a fait l’objet de notre premier Podcast) qui a raflé justement un ours d’argent à la dernière Berlinale, Tom à la ferme qui a remporté le prix de la critique au festival de Venise, ou encore Le démantèlement qui s’était fait une place à Canne plus tôt cette année. Et parmi eux, Gabrielle, petite parcelle de poésie et de beauté qui a aussi écumé les festivals, dont celui de Locarno où le film a notamment flatté l’audience qui lui a décerné le prix du public. Et il y a de quoi !

 

Ayant fait l’objet d’un prodigieux battage médiatique depuis les dernières semaines, ce deuxième long métrage de Louise Archambault, qui joue aussi le rôle de scénariste, est en fait une émouvante intrusion dans la vie d’une jeune femme atteinte du syndrome de Williams, Gabrielle (Gabrielle Marion-Rivard). Étroitement encadrée par sa sœur (excellente Mélissa Désormeaux-Poulin), son professeur de chant (touchant Vincent Guillaume-Otis) et son éducateur spécialisé qui l’héberge dans une résidence adaptée (attachant Benoît Gouin), Gabrielle partage sa vie entre son travail et ses passions… En fait SA passion : la musique. Entre deux répétitions de chorale, elle tombera amoureuse de Martin (Alexandre Landry), dont la mère ne verra évidemment pas d’un bon œil la relation grandissante qui unira les deux jeunes adultes.

 

Disons-le franchement, Gabrielle parle des vraies affaires. On y traite d’amour, bien sûr, mais aussi de sexualité, de liberté, d’indépendance et de responsabilisation. On s’y pose les vraies questions, on se penche sur des problèmes compliqués. Quelle liberté doit-on laisser à Gabrielle, qui est adulte mais qui souffre d’un handicap mental, sachant qu’elle requiert soins et encadrement, mais intimité et indépendance? Comment lâcher prise pour arriver à lui  inculper des notions d’autonomies alors qu’on a du mal à déterminer son niveau de maturité réel et son sérieux dans sa démarche d’émancipation ? Faut-il la laisser décider si elle est prête à s’engager dans une relation sérieuse ou les conséquences de cette relation peuvent-elles être trop importantes pour la laisser décider seule ?

 

Dans le rôle-titre, Gabrielle Marion-Rivard est rayonnante. Atteinte elle-même du syndrome de Williams et possédant aussi un don pour la musique, elle a sans doute très largement inspiré Archambault pour l’élaboration du personnage. Cependant elle réussit à ne jamais donner l’impression de forcer l’émotion ou d’exécuter des directives. Son jeu est aussi naturel que son personnage attachant. Une belle complicité l’unit à ses deux covedettes, Mélissa Désormeaux-Poulin et Alexandre Landry. Landry qui, d’ailleurs, réussit à trouver le ton juste pour se fondre au groupe d’handicapés sans avoir l’air d’interpréter faussement.

 

C’est d’ailleurs une des forces du film, de mélanger des acteurs professionnels à des acteurs non professionnels qui sont réellement handicapés. On confond le spectateur qui n’a plus qu’à s’immerger dans l’histoire sans finalement se préoccuper de discerner les acteurs professionnels des amateurs.

 

Impossible de parler de Gabrielle sans aborder le thème de la musique. Gravitant constamment autour de la passion de la jeune femme, le film rend la musique aussi importante dans la trame narrative qu’elle l’est dans la vie de Gabrielle. Sous le prétexte d’un spectacle de chorale, on revisite le répertoire de Charlebois avec les répétitions du chœur duquel fait partie Gabrielle. Par les arrangements magnifiques de François Lafontaine (membre du groupe Karkwa), on crée des moments d’émotion intense par la beauté de la trame sonore, interprétée en grande partie par une chorale de Montréal, la chorale des Muses composée de personnes vivant avec un handicape.

 

Il n’y a pas grand-chose à redire sur Gabrielle. Certes quelques mouvements de caméra sont redondants, et quelques personnages nous laissent sur notre faim car ils ne sont pas assez exploités, mais ces détails s’estompent devant la justesse du propos et la spontanéité rafraîchissante de la réalisation. Simple et beau, ce film nous ramène à des thèmes universels et tellement humains. Après tout, Gabrielle, c’est surtout la beauté de voir un être humain s’épanouir et prendre finalement son envol.

 

 


20/09/2013
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